Les Impromptus du LPED #2 : Le genre dans les recherches africanistes

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Type de ressource
  • Impromptus
Description La « perspective genre » s’impose aujourd’hui comme une grille d’analyse incontournable dans les recherches en sciences sociales et dans la recherche africaniste notamment. Cette avancée doit beaucoup aux études sur les femmes qui se sont multipliées au cours des dernières décennies en lien avec le vaste champ de réflexion que représente le développement. Prendre en compte l’importance des rapports sociaux de sexe pour mieux comprendre le fonctionnement des sociétés et pour apporter des réponses aux populations est certes admis en théorie mais dans les faits loin d’être un réflexe pour tous. Cette démarche, trop souvent assimilée à une posture militante, peine à trouver sa légitimité sur la scène politique et scientifique, en Afrique tout particulièrement.

Pourtant, les études ont montré que les pays africains ont connu des transformations sociales, économiques et politiques majeures qui ont eu des conséquences importantes pour les rapports sociaux de sexes. Les progrès en matière de scolarisation, la croissance urbaine et, plus récemment, la montée des mouvements associatifs mais aussi la globalisation économique et culturelle ont profondément modifié et diversifié le contexte dans lequel les nouvelles générations de femmes et d’hommes ont été socialisées et ont accédé à l’âge adulte. Si certaines études soulignent la résistance des structures patriarcales de domination et le maintien, voire parfois le renforcement, des inégalités hommes-femmes au cours des dernières décennies, d’autres en revanche ont pu mettre en exergue des gains importants d’autonomisation parmi les jeunes générations de femmes en particulier, notamment dans les villes. La diversité des situations, des statuts et des relations dans lesquels sont engagées les femmes aujourd’hui paraît plus marquée qu’elle a pu l’être dans les décennies antérieures. Ainsi, loin d’être figés, les statuts et les rôles sociaux changent en Afrique ; de même que les capacités individuelles et collectives des femmes à acquérir du pouvoir se développent.

Le discours sur la nécessité d’appliquer le genre aux études en sciences sociales en Afrique est désormais dépassé. Les connaissances rassemblées ces dernières années montrent qu’il existe un important corpus d’études et de méthodologies basées sur le genre mises en œuvre par une communauté scientifique africaniste désormais convertie au principe. Les études africanistes apportent ainsi une réelle contribution aux études sur le genre qu’il convient de mettre en lumière. Les sociétés africaines sont un formidable terrain d’étude des relations sociales fondées sur d’autres dimensions que le sexe, tels que l’âge, l’appartenance sociale ou religieuse. La spécificité des formes d’organisation sociale, la singularité des liens sociaux, les formes particulières d’expression du féminisme, tous ces éléments, pour ne citer qu’eux, offrent une véritable opportunité d’explorer et de revisiter des concepts bien souvent bâtis sur des réalités extérieures au continent africain.

Cet ouvrage est le fruit d’une réflexion collective qui a démarré en 2011, à l’occasion d’un atelier qui a réunit pendant trois jours à Cotonou un groupe de chercheurs africains et africanistes en sciences sociales dont les travaux empiriques intègrent l’analyse de genre. L’initiative est partie d’un sentiment partagé de la nécessité de faire le point sur la question de l’apport des recherches en sciences sociales menées en Afrique dans ce domaine. Il paraissait important de centrer les discussions non pas sur la justification de la démarche mais sur ses spécificités et sur les questions particulières qu’elle pose sur les plans théoriques et méthodologiques, eu égard aux outils de référence. Les approches des rapports sociaux de sexe présentées ici couvrent divers champs de la recherche en sciences sociales : la santé, la religion, le mariage, la fécondité ou encore l’éducation.

Outre la réflexion scientifique, les chercheurs impliqués dans cette ouvrage souhaitent créer un pont entre le monde de la recherche et celui des acteurs du développement qui mobilisent eux aussi dans l’exercice de leurs fonctions le concept de genre. Cet ouvrage est donc aussi le reflet d’échanges de point de vue avec ces acteurs autour d’une table ronde qui a clôturée les journées d’études. La particularité de l’initiative façonne largement la posture des textes rassemblés ici qui s’adressent à un public large et ne se limitent pas à un public d’initiés du monde scientifique. Il s’adresse autant aux chercheurs, qu’aux étudiants, qu’aux travailleurs des ONGs, des ministères ou de tout autre institution qui sont amenés à prendre en compte le genre dans leurs actions.

Cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui veulent savoir ce qui se fait aujourd’hui en matière de genre dans les recherches en Afrique ; qui s’interrogent sur ce que nous apprend l’approche genre des sociétés africaines et en quoi les résultats de ces recherches peuvent faire avancer la réflexion au-delà des frontières africaines.

Agnès Adjamagbo et Bénédicte Gastineau
Membre du LPED ayant contribué
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