Marie-Dominique Aguillon
Chercheur.e
Contractuel.le
Chercheuse en contrat post-doctoral - Mes travaux de recherche se situent à la croisée de la sociologie de l'expertise, de la sociologie des politiques publiques dans les champs de la migration et de l'environnement.
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HAL
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Chercheuse en contrat post-doctoral
PROJET DE RECHERCHE
Interroger la mise en marché de l'expertise sur la question environnementale, au prisme de conflits environnementaux
Introduction
Dans la continuité de ma thèse et des enjeux autour de la montée en puissance des experts, ce projet de recherche vise à apporter une lecture sociologique des logiques d’investissement des professionnels (issus des mondes académiques, politico-administratifs, industriels, associatifs) dans le champ de l’environnement au Sénégal et en France.
Le projet s’est nourri d’une immersion de deux ans à Dakar (2017-2019), durant ma recherche doctorale qui visait à éclairer la figure des experts nationaux impliqués dans le champ des migrations au Sénégal. Il s’est enrichi des divers enseignements construits et dispensés à Aix-Marseille Université (sociologie des risques sanitaires et environnementaux, sociologie des sciences et sociologie de l’expertise, sociologie des controverses environnementales et sanitaires ) et des terrains postdoctoraux entrepris en France sur les conflictualités environnementales.
Dans les Suds, on assiste depuis deux décennies à la croissance du marché de l’expertise privée, autour des questions de développement (Al Dabaghy, 2019 ; Jampy, 2012 ; Rahman & Giessen, 2017). Se soumettant aux normes, mécanismes et instruments du marché (Nay, 2017), les agences internationales délèguent à des acteurs du secteur privé lucratif et non lucratif — bureaux d’études et ONG — de plus en plus d’activités qu’elles assuraient auparavant en interne. Celles-ci portent sur l’accompagnement et le pilotage des réformes des États du Sud et de leurs politiques publiques en matière d’environnement, mais aussi sur l’exécution des programmes de développement, tels que ceux déclinés par les agences internationales sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), devenus objectifs du développement durable (ODD).
Les travaux portant sur le rôle joué par ces professionnels dans les politiques publiques en environnement ont surtout éclairé la figure des experts occidentaux (Abbott, 1988 ; Beck, 2008 ; Collins et Evans, 2007 ; Granjou et Barbier, 2010 ; Granjou 2016 ; Roqueplo, 1997 ; Aspe et Jacqué, 2012), laissant dans l’ombre les pratiques de leurs homologues des Suds dans la formulation de recommandations politiques (Blanc et Bridonneau, 2015 ; Boughedada, 2023 ; Bourblanc, 2018 ; Nakanabo Diallo, 2019 ; Revet, 2018).
En privilégiant une entrée par les experts et dans la continuité des terrains démarrés en France, ce projet ambitionne d’étudier la mise en marché de l’expertise sur la question environnementale. Il s’agit d’interroger la place des experts dans l’élaboration et la légitimation de l’action publique en matière d’environnement, au prisme de conflits environnementaux. Les études cherchent à mettre en perspective la place des experts impliqués dans deux conflits relevant de catégories et de contextes distincts. L’un prend place au Sénégal autour d’une activité qui s’intensifie : l’activité extractive (Diallo 2017 ; Diouf 2023 ; Rubbers, 2013) et l’autre en France autour des pollutions maritimes.
1. Problématique et hypothèses de recherche
Expertise de quoi ? Expertise de tout ?
Dans ma thèse, j’ai apporté un premier éclairage sur le rôle joué par les experts nationaux dans le champ des migrations. Or, depuis deux décennies, parmi les experts interrogés au Sénégal, plusieurs naviguent d’un sujet à l’autre : de la « lutte contre la pauvreté », à la lutte contre changement climatique — et autres thématiques environnementales —, en passant par la « lutte contre les migrations ». Plusieurs questions se posent : comment s’expliquent ces bifurcations thématiques ? Comment les détours et les changements de cap peuvent-ils jouer un rôle dans la construction de leurs carrières ? Je pose l’hypothèse que les pratiques de ces experts du champ de la migration ne diffèrent pas nécessairement dans les autres champs de la connaissance, ou plutôt que les pratiques de leurs commanditaires sont comparables et ont des probabilités d’entraîner les mêmes réactions du côté des experts. Autrement dit, je fais l’hypothèse que certaines catégories d’experts sont formatées pour passer d’un champ à l’autre. L’expertise n’étant, dans certaines circonstances, pas conditionnée à la connaissance d’un champ particulier, mais plutôt à des manières de penser, d’évaluer, de rédiger, selon un canevas préconstruit par les commanditaires et apparemment acceptés, négociés.
Plus largement, ce projet contribue à documenter la mise en marché de l’expertise en environnement et à comprendre dans quelle mesure cette dernière transforme — ou pas — la production de l’action publique environnementale. En posant les questions : expertise de quoi ? Expertise de tout ? Ce projet (ré)interroge la notion d’expertise.
2. Axes de recherche
Plus largement, pour documenter la mise en marché de l’expertise sur la question environnementale et le rôle des experts dans la (re)construction de l’action publique environnementale, je propose - au prisme des conflits environnementaux étudiés - de dérouler trois axes de recherche. Le premier se concentre sur une sociographie des experts en environnement gravitant autour des conflits observés. Le second se focalise sur leurs savoirs. Le troisième interroge ce que font leurs interventions en tant qu’experts à l’action publique environnementale.
2.1 Trajectoires d’experts en environnement
Qui sont ces experts en environnement ? Les professionnels de l’environnement peuvent être sollicités par un ministère, une organisation internationale, un think tank, un bureau d’étude, une ONG, ou par des acteurs du monde industriel, afin d’éclairer une question dans le cadre d’un processus décisionnel (Lascoumes, 2002). Dans l’entre-deux qui se déploie entre savoir et pouvoir, ils mettent leurs connaissances et/ou leur expérience au service de ces commanditaires nationaux, régionaux ou internationaux. À un moment donné de leur carrière, durant ces processus décisionnels, les professionnels occupent une place d’experts. Dans ce cadre, je fais l’hypothèse que, pour développer leur carrière, le recours à différentes stratégies est nécessaire. Pour comprendre ces dernières, il s’agit de reconstituer leurs trajectoires particulières. Examiner les postes occupés, les missions d’expertises réalisées, leurs commanditaires réguliers. Éclairer leurs choix et fonctions scolaires, universitaires et disciplinaires. Comprendre leurs parcours migratoires, leurs socialisations politiques, leurs positionnements militants, mais aussi leurs mobilités internationales, les réseaux transnationaux de sociabilité qu’ils pénètrent et les amitiés nouées nationalement et internationalement. Je cherche à mettre en lumière les propriétés sociales, les ressources, mais aussi les contraintes et les stratégies individuelles, voire collectives, qui les animent. Le sens que ces acteurs donnent à leurs vies et projets professionnels sera appréhendé au regard de leurs propres parcours à la fois familiaux, universitaires et migratoires.
De plus, il s’agit ici de comprendre qui parvient à passer du statut d’« expert national » à celui d’« expert international » et comment. Dans ce cas, la mobilité géographique s’articule-t-elle à la mobilité sociale (Wagner, 2020) ? Inversement je cherche à comprendre comment sont vécues précarité et désillusions. Car selon le poste qu’ils occupent, se dégagent les principes d’un statut plus ou moins privilégié et des temporalités instables (Trépos, 1996), intéressants à analyser.
Enfin, dans le monde de l’environnement (Revet 2018) alliant experts Nord et Sud, il s’agit plus largement de saisir les enjeux de la division du travail, notamment la division racialisée du travail de production des savoirs parmi les groupes d’experts et organisations internationales commanditaires. Je pose comme hypothèse qu’au regard de situations postcoloniales particulières en Afrique de l’Ouest, on assiste à des formes de segmentations par nationalité qui structurent l’organisation du travail des experts au sein des institutions internationales (Lecler, Morival et Bouagga, 2018).
2.2 De quoi sont-ils experts ?
Ils rédigent des notes politiques sur l’impact environnemental des activités extractives sur les territoires, réalisent des assistances techniques autour des questions de migration, changement climatique et développement , participent à des projets de recherche-action sur les conséquences du changement climatique sur l’agriculture, élaborent des évaluations sur l’impact des pollutions atmosphériques, contribuent à la construction d’observatoire du foncier. Ainsi, de quelle manière, par ces expertises plurielles, les professionnels, issus d’horizons, de générations et de milieux sociaux divers, alimentent-ils le marché de l’expertise environnementale ? Comment recyclent-ils leur savoirs pour répondre aux appels d’offres ? En quoi le fait de s’intéresser à un moment donné à l’environnement engendre — ou non — un saut qualitatif dans l’évolution de leur carrière ? Voire comment ces bifurcations thématiques peuvent les ériger en « nouvelle figure de la réussite » (Banégas et Warnier, 2012). Autre idée : dans quelle mesure les activités d’expertises nourrissent-elles — ou pas — des trajectoires de recherche des enseignants-chercheurs impliqués (Granjou, Mauz et Daccache, 2013) ?
Ils prennent la parole dans des lieux d’expertise, mais aussi dans les médias, tant pour partager leur savoir que pour se faire repérer comme expert. Autant d’espaces où ils se mettent en scène se distinguent (Goffman, 1973). Autant d’arènes et autres forums hybrides associant des acteurs dits profanes issus du monde associatif (Callon et Rip, 1991 ; Callon, Lascoumes, Barthes, 2001), où peuvent naître d’éventuelles contre-expertises émanant d’experts associatifs au sens proposé par Yves Lochard et Maud Simonet (2009) ? Ainsi, dans quelle mesure la fréquentation de ces lieux produit quelque chose de particulier, la prise en compte de savoirs différents, locaux (de sciences, d’expériences de terrain) (Barthélémy, 2005) ou standardisés, mais aussi la construction de nouveaux modes d’interaction (création d’alliances, structuration de la concurrence) ? En quoi les répertoires d’action diffèrent-ils — ou pas — en fonction des caractéristiques sociales des acteurs experts ?
Enfin, de quelle manière abordent-ils les commandes d’expertises et leurs présupposés autour des enjeux environnementaux ? L’analyse de leurs discours permettra de saisir la question des modèles de référence dont ils s’inspirent, de comprendre les outils, documents, procédures et champs lexicaux qu’ils partagent.
2.3 Que font leurs interventions à l’action publique environnementale ?
Ce troisième axe interroge le rôle des experts dans la (re)construction de l’action publique environnementale. Je l’ai souligné, les experts, pour certains dotés d’un capital international (Wagner et Réau, 2015), se retrouvent lors de forums, conseils, comités, sessions d’expertises collectives, qui visent à diffuser des connaissances spécifiques pour l’action politique en environnement. Or, que recouvre précisément l’action publique environnementale dans le contexte sénégalais ? Dans un premier temps, je m’attèlerai à la circonscrire, à la définir et à saisir les conditions de sa fabrique.
En prêtant attention aux experts ouest-africains, je cherche à comprendre les dynamiques d’institutionnalisation des enjeux environnementaux et ce qui s’insinue, se joue et s’institue politiquement dans ces arènes aux logiques entremêlées. Dans quelle mesure l’hétérogénéité des itinéraires des experts conduit-elle — ou pas — à une pluralité de leurs registres d’action politiques ?
Je fais l’hypothèse que le marché initié par des acteurs internationaux et nationaux de l’expertise en environnement apparaît comme un instrument politique (Ansaloni et Smith, 2017). Ce point amène donc à s’interroger sur la place des financements et de la coopération internationale (Siméant, 2019). Quels sont les enjeux financiers, et plus précisément d’où vient l’argent qui finance les missions d’expertise ? Les projets environnementaux, développés via des collaborations internationales, permettent-ils aux experts de déployer des logiques d’extraversion (Bayart, 1999) ? À l’inverse, dans quelle mesure le fait de devenir expert en environnement peut-il être une autre expression de la vocation à servir l’État ?
3. Choix des terrains
L’enjeu des études de cas est de comprendre comment les experts évaluent deux conflits environnementaux particuliers : celui de l’activité extractive au Sénégal et celui des pollutions maritimes en France.
Au Sénégal, il s’agit plus précisément d’observer et d’analyser par l’entrée experte le conflit environnemental autour de l’activité extractive de zircon , et des enjeux socio-environnementaux qu’elle soulève. Deux sites d’extraction minière sont exploités au nord de Dakar par l’entreprise franco-australienne Grande côte opérations SA (GCO) , présente depuis 2014 dans la région. La concession, qui occupe une centaine de kilomètres du littoral, et sa drague flottante qui avance vers le désert de Lompoul sont l’objet de préoccupations citoyennes et politiques. La mine implantée dans des villages, des zones de maraichage et sur le ressort touristique de Lompoul soulève des enjeux environnementaux et génère des attentes sociales (Descroix et Marut, 2016). Des attentes que les ONG environnementales ne sont pas toujours à même de saisir. Les débats et contestations portent sur le remodelage des sols et des risques liés à l’érosion (Diallo, 2017), mais aussi sur la raréfaction de la ressource en eau et ses conséquences sur les activités de maraichage et les écosystèmes (faune et flore sauvage menacées) dans la zone des Niayes. La présence de la mine remet en cause l’organisation économique, politique et sociale des sociétés concernées et contraint les acteurs maraichers qui dépendent des ressources naturelles — notamment l’eau et les sols — à s’adapter. D’autres enjeux socio-économiques portent sur l’accès à l’emploi, et l’articulation entre les activités minières et touristiques. Même si l’extraction peut susciter des attentes, en termes d’emplois et d’infrastructures, de la part des habitants (Rubbers, 2013). Des critiques sont soulignées et caractérisent les territoires comme « transformés, contaminés, sacrifiés » (entretien consultant en évaluation environnementale et développement, Dakar, juillet 2019), en raison de la diminution des espaces de production agricole, de la dégradation des ressources vitales et de la biodiversité (Mbaye et al. 2023). Les détenteurs du site d’exploitation justifient le projet d’extraction par la question centrale du développement. Principalement par son rôle joué dans l’économie du Sénégal et les emplois créés localement .
Dans ce cadre, il s’agira de comprendre qui sont précisément les experts qui gravitent autour de l’activité extractive. Ce qui m’importe, n’est pas d’éclairer le conflit provoqué par l’installation de la mine, mais plutôt de comprendre de quelles manières les experts mandatés par des officines diverses et avec un cahier des charges spécifique vont procéder, non pas pour régler le conflit, mais pour y apporter un éclairage et justifier — ou pas — l’exploitation de zircon. Comment vont-ils traiter la question ?
En France, il s’agit d’étudier par l’entrée experte des savoirs sur le conflit environnemental autour des pollutions maritimes.
Dynamique collective de terrain et de valorisation
Dans une dynamique collective de terrain et de valorisation, est prévu en 2025 un terrain avec une sociologue de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal . Partant de l’analyse du boom minier des années 2000 en Afrique de l’Ouest et au sud-est du Sénégal, Ndèye Coumba Diouf éclaire de quelle manière les mobilités des orpailleurs et la circulation de leurs savoir-faire provoquent des changements sociaux qui peuvent être observés du point de vue de la recomposition des rapports au travail et des rapports à l’étranger dans le milieu aurifère. Avec ce terrain partagé, dans le prolongement de nos thèses, nous souhaitons croiser les approches et perspectives de recherche pour aborder cette question des acteurs non étatiques qui travaillent sur site et gravitent autour de l’activité extractive. Nous cherchons à éclairer à la fois de nouvelles figures de migrants et d’experts. Pour réaliser cette enquête croisée, nous privilégions chacune deux entrées : l’extraction minière et la migration, pour Ndèye Coumba Diouf ; l’expertise et l’environnement pour ma part. Ce terrain est financé dans le cadre du Laboratoire Mixte International Movida, dont nous sommes toutes deux membres.
4. Méthode
Pour reconstituer les trajectoires d’experts, étudier leurs statuts sociaux, leurs origines géographiques et sociales, et les éléments cognitifs, normatifs et idéologiques qui les caractérisent, je privilégierai des entretiens et des séquences d’observation. Entretiens et observations auront pour finalité de questionner et d’éclairer également les espaces politiques d’expertise, de consultation, de dialogue et de débat public. Les observations seront réalisées lors de rencontres, concertations, forums où coexiste une diversité d’acteurs (professionnels de la mine, ingénieurs, experts, militants, migrants, habitants, opérateurs touristiques, élus, ONG, organisations internationales, etc.). Des espaces que je suppose sous tension dans lesquels se jouent des jeux opportunistes (réunions du protocole d’accord négocié entre l’État du Sénégal, entreprise, élus des localités d’implantation de la mine, ONG) seront regardés. Des documents (Plan Sénégal émergeant, presse nationale, code minier, code de l’environnement au Sénégal et autres textes règlementaires, mais aussi les pétitions, lettres ouvertes) seront mobilisés et analysés.
Bibliographie
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Autres projets de recherche – Conflits environnementaux et expertise
2023-2026 - Projet Obstecoe, « Observing social change in the field of environmental conflicts », LPED, ESPACES, TELEMMe, CESCO MNHN, GRESEC.
Objectif : Ce projet de recherche vise à mettre en perspective plusieurs conflits environnementaux, afin d’appréhender leurs portées transformatives dans le domaine de l’environnement et plus largement au niveau politique et social (cadre de vie, ressources naturelles, paysage, qualité environnementale des lieux). Les conflits peuvent porter sur des projets d’aménagement, jugés incompatibles avec les conditions environnementales actuelles (Dechézelles, 2023; Larrère et Schmid, 2023; Tonnelat, 2022). D’autres au sein desquels les militants composent avec (ou s’opposent à) des actions publiques et privées dont l’intention déclarée est environnementale. Trois dimensions analytiques sont retenues : la première étaye l’hypothèse des conflits environnementaux comme révélateurs de transformations socio-économiques des territoires ; la deuxième porte sur la reconfiguration des relations entre les citoyens et l’État ; la troisième étudie la relation au savoir. Dans ce cadre les ethnographies portent trois catégories de conflits : une première autour des ressources naturelles, une seconde autour des contradictions de la transition énergétique et une troisième relevant des pollutions. Au niveau méthodologique, ce terrain est abordé à partir d’une démarche empirique qui relève d’une approche compréhensive, fondée sur des observations directes et des entretiens longs (Bertaux, 2010). Il s’agit de suivre les acteurs, de reconstituer la généalogie de leurs trajectoires.
Contribution personnelle : Mon travail centre la focale sur le troisième axe analytique, celui de la relation au savoir. À l’interface de la sociologie des mouvements sociaux, des risques environnementaux et sanitaires et de la sociologie de l’expertise, il étudie un conflit environnemental situé sur le littoral nord de Marseille. Ce dernier porte sur les pollutions maritimes générées par les bateaux de croisières. Pour l’analyser, dans le prolongement de ma recherche doctorale, je cherche d’abord à saisir les trajectoires des experts impliqués, puis les types de savoirs mobilisés. Enfin, j’interroge ce que font les interventions des experts à l’action publique en matière de pollutions maritimes.
Les dimensions sanitaires et environnementales du conflit
À Marseille cette pollution sévit dans les quartiers arrière-port des noyaux villageois des 15e et 16e arrondissements, des quartiers, parmi les plus pauvres de la ville, déjà marqués par une histoire industrielle (Bertoncello et Hagel, 2016 ; Barthélémy, 2022). Depuis quinze ans, les habitants, aux premières loges de la croissance du trafic maritime, voient des navires de plus en plus grands sous leurs fenêtres. La croisière et ses panaches de fumée marquent leur paysage quotidien. Ils s’inquiètent de la consommation de carburant et des rejets. Leur engagement part d’une préoccupation pour leur santé et celle des riverains. Parmi les acteurs mobilisés, on trouve des associations œuvrant depuis plusieurs décennies pour l’amélioration du cadre de vie et du lien social dans les quartiers nord. Leurs membres sont issus pour certains de classes moyennes et supérieures, d’autres, aujourd’hui à la retraite, viennent du monde ouvrier, descendants de familles italiennes ayant travaillé dans les industries (polluantes) environnantes. Ces acteurs ont été les premiers à alerter sur les pollutions maritimes. Certains d’entre eux aujourd’hui s’auto-désignent lanceurs d’alerte (Chateauraynaud et al, 2013). Ils s’inquiètent des pollutions et cherchent à ce que les pouvoirs publics se saisissent du problème. Pour cela, ils s’entourent d’experts en pollution atmosphérique, installent des « capteurs citoyens » mesurant les particules fines autour du port. Leurs deux principales revendications portent sur la réalisation d’une étude épidémiologique dans les quartiers Nord et l’électrification des quais. Ces acteurs sont en mesure de lire et monter des dossiers étayés règlementairement, et d’être force de proposition, de contre-pouvoir lors de consultations citoyennes (Ollitraut,Villalba, 2014) . Ils participent pour certains à un jeune collectif précisément constitué en opposition au déploiement des bateaux de croisière : le collectif Stop croisières. Créée en 2022, il se compose d’un noyau de militants issus d’Extinction Rebellion et Alternatiba (Brusadelli et Martell, 2022), ses membres allient la défense de l’environnement et une vision plus globale des enjeux de société. Ils interrogent le rapport au tourisme, aux vacances. Ils réfléchissent au bilan social des croisiéristes, à la décarbonation et appellent à renoncer à la consommation de masse et plus largement au modèle de croissance économique actuel. Ils revendiquent une certaine prise en charge par les citoyens des changements environnementaux et politisent les débats en articulant la défense de l’environnement avec des enjeux de société. Cette mobilisation est en majorité menée par des trentenaires issus de classes moyennes supérieures, formés dans des écoles d’ingénieur ou Science Po, portés par une dynamique de mobilisation, d’auto-organisation, par l’inventivité (carnaval, pochoirs, désobéissance, blocages, actions en justice) et motivés par des modes d’actions directes. Pour certaines démonstratives et radicales comme le blocage en juin 2022 du navire Wonder of the Sea à l’entrée du port de Marseille, ou la perturbation du Conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille au moment de la nomination de son Président. L’interdiction des bateaux de croisières dans le port de Marseille et l’électrification des quais pour les ferries et le fret sont leurs principales revendications. Plus largement, ils cherchent à susciter un débat « éclairé et démocratique » sur la question des croisières.
Ce travail cherche à comprendre dans un premier temps comment la présence de la croisière dans la ville est révélatrice d’un rapport de force existant dans la relation ville-port. Pour cela, l’étude du nouveau contexte politique marseillais est éclairante. Car depuis 2020 (élection du Printemps marseillais), des acteurs politiques remettent en cause les croisières pour les nuisances environnementales qu’elles provoquent et plus largement, le paradigme de l’attractivité métropolitaine et portuaire. Ces idées s’expriment par des tribune et pétition. Cette dernière intitulée « Stop à la pollution maritime » exige du Préfet de région l’interdiction des escales pour les navires de croisières les plus polluants pendant les pics de pollution. Ces réactions du monde politique contribuent à instaurer un rapport de force avec les armateurs, et la ville portuaire plus largement (Grand Port maritime de Marseille - GPMM, CGT, club de la croisière, Union portuaire). Alors que par le passé, la thématique des croisières représentait une activité plutôt consensuelle autour de l’attractivité et la compétitivité (le maire Jean-Claude Gaudin souhaitait avec l’activité de croisière « faire de Marseille, le Miami de la Méditerranée » (La Marseillaise, 30/07/19)) la croisière est aujourd’hui posée comme un problème public. Une tension sociale s’instaure entre d’un côté la défense des milieux de vie et de l’autre les profits économiques des armateurs et du grand port maritime de Marseille.
Comment les acteurs se saisissent, s’approprient et déclinent les différents savoirs ?
Comment les collectifs mobilisent-ils les différents savoirs ? Comment leur donnent-ils de la consistance, les orientent-ils, voire comment les déconstruisent-ils ? Quels sont les types d’experts auxquels ont recours les militants ? Comment les membres des collectifs mobilisent-ils les sciences comme registre de légitimation de l’action ? En suivant Lochard et Simonet, je pose l’hypothèse que leurs connaissances découlent à la fois de savoirs constitués d’emprunts au monde de la recherche , de compétences professionnelles (ingénieurs hydrauliques, ancien commandant de ferry) et d’un engagement fort sur les questions environnementales (2019).
Pour comprendre le rôle des experts et des savoirs, plusieurs dimensions conflictuelles restent à étudier : la question de l’utilisation des filtres - autrement nommés scrubbers ; la question des retombées économiques (supposées ou réelles) pour les territoires d’accueil qui constitue une dispute non résolue au niveau des chiffres ; mais aussi le devenir des travailleurs de la croisière, ou encore la question plus large de la décarbonation du trafic maritime. Des thèmes, qui au-delà du grand port maritime de Marseille, concernent plus largement l’État.
La réflexion ambitionne d’éclairer d’autres ports où prennent place ces types de conflits : des ports plus petits, en contextes insulaires comme Ajaccio et Palma de Majorque et d’autres grands ports comme Barcelone ou Le Havre, afin de mettre en perspective d’autres termes du conflit et éclairer d’autres figures d’experts.
2024 - 2026 - Projet Enviterra - « The ecological, climatic and social stakes of agricultural land protection. An analysis of territorial citizen mobilizations in the Mediterranean », Amidex, LEST, LIEU, LAREP, LPED. Projet interdisciplinaire : sociologie, urbanisme, écologie, géographie.
Objectif : ce projet propose une analyse sociologique des mobilisations citoyennes pour la défense des terres agricoles. En quoi et pourquoi le statut du foncier agricole et sa valeur, deviennent des objets de mobilisations ? Comment la redéfinition du statut et de la valeur du foncier sont portés par des mobilisations citoyennes ? Comment ces dernières remettent en question – ou pas – les formes dominantes d’usage, de propriété et de valorisation des terres agricoles ? Ce projet comporte trois axes : le premier axe quantitatif consiste en la réalisation d’un état des lieux des dynamiques sociales, économiques et écologiques du foncier agricole. Le second est centré sur les méthodes d’analyse et de détermination de la dynamique de la biodiversité associée aux friches agricoles (évolutions du statut juridique, du cadre législatif et des mesures de politiques publiques régionales et nationales qui peuvent être prises sur les enjeux de préservation du foncier). Le troisième se centre sur une analyse qualitative des mobilisations citoyennes pour la défense des terres agricoles. Contribution personnelle : implication sur le troisième axe, dans la mise en œuvre de l’enquête qualitative sociologique avec une entrée par les savoirs des militants et savoirs experts. Réalisation d’entretiens, observations, co-organisation de séminaires.
2024 -2025 - Projet RÉSeaux-Med, « Approche comparative des politiques de l’eau en contextes insulaires en méditerranée (France, Espagne, Italie) », Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, LICES, LPED.
Objectif : ce projet propose une analyse en sciences sociales (sociologie, anthropologie et géographie) des réponses politiques aux enjeux de raréfaction de la ressource en eau en contextes insulaires (Baléares, Sicile, Malte, Corse) sur la dernière décennie. Il cherche à comprendre les dynamiques sociales, économiques, politiques à l’œuvre dans les expériences et innovations en matière de gestion et partage de l’eau. Et plus précisément d’interroger les choix politiques opérés dans les différentes formes d’adaptation aux effets du changement climatique. Comment certaines sociétés insulaires apprennent à faire avec la pénurie (priorisation des usages, concurrence activités agricoles/touristiques) ?
Contribution personnelle : Implication dans la recherche bibliographique (littérature scientifique) et documentaire (textes règlementaires européens, régionaux, nationaux) sur les expériences en contextes insulaires en réponse à la raréfaction actuelle — ou supposée — de la ressource en eau (Baléares, Sicile, Corse, etc.). Co-définition des terrains et participation à l’élaboration d’un protocole d’enquête. Réalisation des entretiens ethnographiques en français et en espagnol (responsables institutionnels, experts locaux, gestionnaires qui portent des expériences, acteurs associatifs) et observations. Il s’agira d’interroger des acteurs experts, gestionnaires sur les différentes formes de gestion de l’eau et logiques de gestion collective. Co-rédaction de deux synthèses explicitant les formes de gestions locales de l’eau des terrains réalisés. Co-organisation d’un séminaire à l’échelle méditerranéenne. Co-rédaction d’articles, chapitres d’ouvrage et communications scientifiques. Participation à la formalisation d’un réseau de chercheurs et autres acteurs (institutionnels, associatifs) de la gestion de l’eau à l’échelle méditerranéenne.
Publications académiques
Ouvrage
2024 Ouvrage issu de ma thèse "Monde de l’expertise en migration et acrrières d’experst au Sénégal" - à paraître
Manuscrit retenu par le jury, dans le cadre du Prix scientifique L’Harmattan, pour être publié dans la collection "mobilités africaines".
Articles dans des revues à comité de lecture
2020 Aguillon, M-D., « La fabrique de la politique migratoire sénégalaise. Concevoir, négocier, contester », Anthropologie & développement, n° 51 (Numéro spécial), Presses Universitaires de Louvain, 53-67. [en ligne] : https://doi.org/10.4000/anthropodev.957
Résumé
Basé sur une enquête ethnographique au Sénégal, ce texte analyse un mécanisme prescriptif, celui du projet d’une organisation internationale visant à inciter le pays à se doter d’une politique migratoire. Plutôt que d’analyser le contenu de ladite politique, le choix a été fait de se centrer sur les logiques à l’œuvre qui président à la mise en place d’interventions standardisées et d’analyser la confrontation des récits, des justifications des acteurs (décideurs politiques, experts, universitaires, acteurs de la société civile), ainsi que les postures critiques et divergentes.
2018 Aguillon, M-D., « Encourager les “retours”, entraver les départs et tisser des liens de causalité. Le nouveau credo des gestionnaires euro-africains de la migration », Revue des Annales de l’Université Abdou Moumouni, Presses universitaires de Niamey, ISSN : 1859-5014.
Résumé
Depuis deux décennies, des moments clés ont jalonné les relations euro-africaines dans le domaine des migrations. À travers le décryptage des échanges politiques entre acteurs africains et européens, cet article donne à voir les finalités qui prédominent en matière de politiques migratoires. Afin d’empêcher les départs et pour justifier les retours, de nouveaux liens de causalité apparaissent dans les discours. La justification binaire, d’une présupposée causalité entre retours et départs est ici nuancée, car les retours n’ont pas forcement l’effet dissuasif attendu. Prétendant empêcher les départs, le couple migration et développement est peu à peu venu compléter le couple migration et sécurité. À différentes échelles et par le biais de glissements sémantiques et juridiques, l’émigration dite irrégulière devient un « problème » puis un « délit ». Différents acteurs issus des ONGs, des organisations internationales, des institutions politiques, des médias se saisissent de la notion controversée d’« émigration clandestine » qui, progressivement, devient une nouvelle ressource dans le domaine gestionnaire des migrations.
Articles soumis et en cours d’évaluation
2024 - Aguillon, M. -D., “When the International Organization for Migration turns its attention to the universities in Senegal”, in International Political Sociology.
Abstract
For two decades, the International Organization for Migration (IOM) has been gaining ground and enhanced visibility in West Africa. To implement its projects, the IOM increasingly relies on experts locally and regionally, recruited directly or through private consultancies. Because of the context of the production of knowledge in Senegal, Senegalese researchers are the best-suited candidates for expert consultancy assignments. Based on ethnographical research carried out in Senegal between 2016 and 2019, the aim of the present paper is to shed light on the convergence of mutual interests between the IOM and the Senegalese university milieu. The paper explores the imprint of the IOM’s power over the research careers of Senegalese academics. It shows how prescriptive knowledge regarding what needs to be done in terms of migration policy has permeated the universities.
Chapitre d’ouvrage
2024 - Aguillon, M-D., « Superare i principi normativi di un modello "gestionale" delle migrazioni? L’elaborazione di una «nuova» politica migratoria in Senegal », Chapitre d’ouvrage coordonné par Federica Guazzini, Migrare, integrarsi, rimpatriare : Un percorso tra opportunità e vincoli , Éditions Il Mulino - à paraître.
Abstract
L'analisi condotta riguarda l'attuazione di un modello standardizzato nel campo della gestione delle migrazioni in Senegal. Attraverso la disamina della costruzione da parte dell'Organizzazione Internazionale per le Migrazioni (OIM) di una politica migratoria nazionale in Senegal, questo contributo mette dapprima in luce le discussioni, gli accordi, le elusioni e gli effetti inattesi che derivano dalle interazioni tra tutti gli attori coinvolti. Si focalizza quindi su come le norme promosse da OIM vengano adottate in modo variabile da parte degli attori governativi, accademici, esperti e associativi senegalesi.
Working Paper et compte-rendus
2023 Aguillon, M-D., « Monde de l’expertise en migration et carrières d’experts au Sénégal », Anthropologie & développement [en ligne], 54 | 2023, DOI : https://doi.org/10.4000/anthropodev.2473
2019 Aguillon, M-D., Diouf, N-C & Lamblin, C., 2019, « Retour sur une résidence d’écriture à Moulay Idriss », Carnet hypothèses LMI Movida [en ligne] : https://movida.hypotheses.org/4774
Résumé
Dans le cadre de ses activités de formation, le Laboratoire Mixte International MOVIDA a organisé une résidence d’écriture du 16 au 26 juin 2019, à Moulay Idriss, au Maroc. Quatre doctorants, deux post-doctorants et quatre encadrants membres de l’équipe ont participé à cette rencontre. Ce billet revient sur les acquis de cette retraite d’écriture.
2018 Aguillon, M-D., « Encouraging 'returns', obstructing departures and constructing causal links. The new creed of Euro-African migration management”, Working Paper 54, Sussex Centre for Migration Research, University of Sussex, Brighton, 22 p. [en ligne] : https://hal.science/hal-01899751/
Abstract
This paper explores whether the policy level constitutes a new element in what Hernández – León coined as ‘the migration industry’ in 2005. The paper unravels the impact of semantic and legal shifts at different scales over the past two decades on the framing of irregular migration. Several key moments have marked Euro-African relations in the field migration. Through the decoding of political exchanges between African and European actors, this article shows the predominant objectives of migration policies. The first aims to encourage ‘returns’ of migrants from Europe to Africa. The second seeks to dissuade potential African candidates from leaving (implied towards Europe), and the third presupposes that the returns of some migrants will make potential migrants renounce the journey. In order to prevent departures and to justify returns, new causal links appear in speeches. There is here an idea of an archetypal model linking returns and deterrents. This binary justification of a presupposed causality between returns and departures is questionable however because evidence shows that returns will not necessarily have the expected deterrent effect. Nevertheless, the migration and development nexus has gradually come to complement the migration and security nexus. At different scales and through semantic and legal shifts, emigration has been framed as a ‘problem’ then as a ‘crime’ in the dominant policy discourse. Through the design and implementation of departure deterrence programmes, actors from NGOs, international organizations, political institutions and the media are strengthening the controversial notion of ‘illegal emigration’ which, gradually, has become a new resource in the field of migration management.
Rapport de recherche
2013 Aguillon, M-D. et Lagarde, D., « Saloum, du poste-frontière au camp de réfugiés. Les exilés de Libye deux ans après… », rapport de recherche, programme Ecomig, LISST - Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires / La Cimade, [en ligne] : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01306451
Résumé
Ce rapport présente les résultats d’une enquête effectuée en Égypte, dans le cadre du programme AIRD-STDF « Economic crises, migration and development » ECOMIG - « La place de l’Égypte dans les circulations migratoires avant et après le “Printemps arabe” », conjointement réalisée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (LISST) et La Cimade en février 2013. Le rapport entre la situation des exilés vivant au camp de Saloum deux ans après sa création.
Communications académiques
Congrès internationaux
Communications avec sélection sur résumé
2024 « Du ministère au Think tank. Trajectoires professionnelles d’expertes sénégalaises en environnement », Panel « Travailler pour l’environnement dans les Suds : professionnalisation, bureaucratisation et instrumentation au sein des politiques d’aides au développement », Colloque international de l’APAD, Liège, 22-24 mai 2024. Panel Travailler pour l’environnement dans les Suds
Passées
2021 « Élaborer une politique migratoire pour le Sénégal : principes normatifs, stratégies d’acteurs et adhésion à géométrie variable », Colloque international, « Interroger la construction des politiques migratoires africaines », IMéRA, Marseille, 16-17 septembre 2021. https://calenda.org/899070
2018 « De la constitution d’un “profil migratoire” à l’élaboration d’une politique migratoire au Sénégal : un “modèle voyageur” » ? dans le cadre du panel « Production et diffusion de mécanismes miracles dans l’industrie du développement. Les modèles voyageurs confrontés aux contextes », Jean-Pierre Olivier de Sardan, Ilka Vari-Lavoisier, 5e Rencontres d’études africaines en France, REAF, Marseille, 11 juillet 2018. Panel Modèles voyageurs REAF Cnrs.
2018 « Approche gestionnaire des migrations et carrières d’experts au Sénégal », dans le cadre du panel « Regards croisés sur les mobilités et les migrations », « Les Afriques en débats », 4e rencontres des jeunes chercheur.e.s. en études africaines, JCEA, Marseille, 12 juillet 2018. https://movida.hypotheses.org/2311
2016 « Politiques migratoires euro-africaines et externalisation des contrôles », colloque international « Les dynamiques migratoires en Afrique de l’Ouest : Histoire, flux et enjeux actuels », colloque international organisé par l’Université d’Agadez, Niger, 12-14 décembre 2016. https://movida.hypotheses.org/125
2014 « La coopération migratoire UE-Égypte et les impacts du cadre législatif national sur les migrants étrangers, demandeurs d’asile et réfugiés », colloque « Mobilités et blocages en Afrique méditerranéenne », organisé par l’IRD/LPED en partenariat avec l’Université internationale de Rabat, Maroc, 16-17 décembre 2014. Extraits colloque ECOMIG Programme-Colloque-ECOMIG.pdf
2013 « Politiques européennes et africaines d’externalisation des contrôles migratoires », colloque « Terrains revisités en migrations africaines » organisé par l’IRD/LPED en partenariat avec le CODESRIA et l’IPAR, sur l’axe Politiques publiques et migrations intra-africaines, Dakar, Sénégal, 7-9 octobre 2013.
Journées d’étude en France et à l’international
Communications avec sélection sur résumé
2018 « Expertises du domaine gestionnaire des migrations et carrières de chercheurs au Sénégal », Journée d’étude, Le registre scientifique des organisations internationales : acteurs, productions, usages. Sciences Po Lyon, communication discutée par Dorota Dakowska, Professeure de science politique, Université Lumière Lyon 2, Triangle, 5 juillet 2018. https://triangle.ens-lyon.fr/spip.php?article7218
2018 « Enquêter sur une conférence intergouvernementale pour comprendre la recomposition de l’expertise dans le domaine des migrations », École d’été « Migrations et reconfigurations locales au Sahel », Groupe d’études et de recherche migrations, espaces et sociétés, École Normale Supérieure - Université Abdou Moumouni, Niamey, 20 novembre 2018.
2018 « D’une capitale à l’autre : un Sahara attractif pour les experts de l’approche gestionnaire des migrations », École thématique « Le Sahara : de la zone frontière à l’espace nodal de « l’Afrique méditerranéenne », École française de Rome, 22 mars 2018.
2017 « Approche gestionnaire des migrations et figures d’experts », Summer Doctoral School, « Mediterranean Migration and Borders : Beyond the Security Nexus », Aix-Marseille-University IMéRA, Institut d’Études Avancées, Marseille, 19 mai 2017.
2017 « Hindering migrants’ departures and promoting returns: The new credo of the Euro-African Migration management approach? », Sussex Centre for Migration Research – SCMR Migration Seminar Series, debate session with Mike Collyer, Professor of de Geography, University of Sussex, March 8th 2017. SCMR Seminar University of Sussex.
Communications sans sélection sur résumé
2024 « Premiers éléments de terrain sur un conflit environnemental autour des pollutions maritimes des bateaux de croisières à Marseille » Séminaire « Conflits environnementaux autour du port de Marseille », MMSH, Aix-en-Provence, 19 février 2024.
2020 « Quand la réforme de l’université et la présence des organisations internationales favorisent l’essor de l’expertise : le cas du Sénégal », Séminaire Tukkiman, LPED, communication discutée par Marie Jacqué, Maître de conférences en sociologie AMU, Campus Saint-Charles, Marseille, 20 janvier 2020.
2020 « Experts en migration made in Afrique? Une mise en perspective Sénégal-Maroc », Séminaire des Doctorants du LPED, Campus Saint-Charles, Marseille, 9 janvier 2020.
2015 « Le travail de la Cimade au prisme de la xénophobie », atelier scientifique du réseau Migrations « Les thématiques migratoires aux prismes de la xénophobie et de l’altérité : espace public et espace numérique », MMSH, Aix-en-Provence, 2 avril 2015.
2015 « De la position d’acteur à celle de chercheur : entre implication et distanciation », séminaire doctoral, Les chantiers de thèse, avec Ben Kerste, Lames, MMSH, Aix-en-Provence, 6 février 2015.
Séminaires (discutante)
2023 Discutante 7ème journées scientifiques de l’ED 355, « Le cheminement du chercheur », travaux de Léna Aparis-Jutard (TELEMMe) : « Une connivence avec son projet d’étude : intérêts, enjeux éthiques et implications méthodologiques » ; Mounayad Abdou (LEST) et Margueritte Coron (LEST) : « Quelle place pour la passion dans nos travaux de recherche ? Points de vue croisés entre une gestionnaire et un sociologue », MMSH, Aix-en-Provence, 15 juin 2023.
2022 Discutante panel « Coopération Nord-Sud », « Coopérer face aux enjeux environnementaux ? » 9ème journée des doctorants du LPED (JDD9), travaux de Firmin Kra (Université Alassane Ouattara/LPED) : « Auto-ethnographie d’expériences de coopération et de partenariats sud-sud et nord-sud dans la recherche scientifique » et Sandrine Andong (Université de Yaoundé 2, IRIC) : « Coopérer dans un esprit de résistance : état forestier et mise en œuvre de la politique européenne de lutte contre l’exploitation forestière illégale au Cameroun », Campus Saint-Charles, Marseille, 18 novembre 2022, https://www.canal-u.tv/chaines/lped/cooperations-nord-sud
2017 Discutante séminaire Movida, travaux de Saydou Koudougou (Université de Ouaga I) : « Migrants burkinabè dans l’espace public ghanéen : une construction des citoyennetés », UCAD, Faculté des Lettres et sciences humaines, Dakar, 10 novembre 2017.
2017 Discutante séminaire Movida, lors de la présentation de l’ouvrage de Papa Demba Fall (IFAN/UCAD), « Des Francenabe aux Modou Modou, L’émigration sénégalaise contemporaine », IRD, Dakar, 26 avril 2017.
Valorisation de la recherche
Interventions écrites et orales dans des revues, rencontres et lycées
Depuis 2019 Membre de l’équipe “Tukkikat – « Naviguer entre les lignes » – capsules sonores, installation chambre du migrant. https://www.tukkikat.com/
2017-2018 Co-organisation d’un Club scientifique - 1ère et Terminale : « Les objets de la migration », LMI Movida Lycée Jean Mermoz, Dakar (12 heures) :
- Entretiens biographiques, novembre 2017
- Les idées reçues sur les migrations, décembre 2017
- Restitution des travaux de terrain, mai 2018
- Réalisation de cartes postales pour déconstruire les idées reçues sur les migrations
Articles sans comité de revue : revue Causes communes
Flichman R., « Exilés de Libye : quelle responsabilité pour l’Europe ? », Participation au débat : Aguillon, M-D., Brachet, J., Haon, N., Causes communes, n°81, juillet 2014, p. 23-25
Aguillon, M-D., co-coordination du dossier « De l’aventure à l’errance », Causes communes, n°66, octobre 2010, p.14-25.
Aguillon, M-D., « L’étranger ne devrait exister ni en mot, ni au toucher », Rencontre avec Ibrahima Bah, comédien et metteur en scène guinéen, Causes communes, n°66, octobre 2010, p.30-31.
Aguillon, M-D., co-coordination du dossier « Expulsés et après ? », Causes communes, n°61, juin 2009, p.15-25.
Aguillon, M-D., « Hospitalité latino-américaine », Causes communes, n°60, mars 2009, p.11.
Aguillon, M-D., Baylac, S., Chappart, P., Lecadet, C., « Une vie après l’expulsion », Causes communes, n°61, juin 2009, p.16-18.
Aguillon, M-D., « Migrants en transit. Rencontre des associations à Dakar », Rubrique Regards. Initiatives, Causes communes, n°62, septembre 2009, p.12.
Autres
Aguillon, M-D., « La France dans Frontex » in Migrations, État des lieux, La Cimade, mai 2014, p.141.
Aguillon, M-D., Clochard, O., Faniel, L., Martin, M., Rodier, C., Sibley, A., Vanderstappen, C., Note de Migreurop : Frontex, n°3, mars 2014.
Aguillon, M-D., Vanderstappen, C., « Frontex, le bras armé de l’Europe forteresse », Demain le monde, n°18, mars-avril 2013, p. 12-19.
Aguillon, M-D., « Afrique : quand l’aventure migratoire se transforme en errance », rédaction texte de présentation du thème de l’édition 2010 du festival migrant’scène, octobre 2010.
Aguillon, M-D., « Mali, résistance face aux expulsions », in Migrations, politiques publiques, pratiques administratives, État des lieux, La Cimade, juin 2009, p.30-31.
Aguillon, M-D., « La Frontera, zone de transit, zone d’expulsion », Signes d’Attac n°48, Fenêtre sur le monde, juin 2005, p.4
Programmes de recherche
RESEAUX-Med
APPROCHE COMPARATIVE DES POLITIQUES DE L’EAU EN REGION MEDITERRANEENNE : EXPERIENCES ET INNOVATIONS LOCALES
Les régions méditerranéennes font face depuis plusieurs années à des sécheresses historiques et connaissent dans un contexte de changement climatique une raréfaction de la ressource en eau. Celle-ci est à la fois liée aux effets o ...
En savoir plusMOVIDA
Laboratoire mixte international MOVIDA
Le laboratoire MOVIDA met en avant trois compétences : la recherche, la formation et la valorisation MOVIDA est un laboratoire multi-sites : Burkina Faso, France, Maroc, Niger, Sénégal. Il se construit autour de quatre institutio ...
En savoir plusENVITERRA
Mobilisations citoyennes pour la défense des terres agricoles
Résumé : L'emprise croissante de l'urbanisation sur le foncier agricole et l'artificialisation des sols soulèvent aujourd'hui des problèmes écologiques, climatiques, de sécurité alimentaire qui sont l’objet de mobilisations cito ...
En savoir plus
Qualifiée aux fonctions de Maître de conférence en sociologie (section 19), j'enseigne depuis 2019 comme attachée temporaire d'enseignement et de recherche puis chargée d'enseignement vacataire à l'UFR Sciences et au Département de sociologie de l'Université Aix-Marseille. Avec l'équivalent de 590 heures, j'enseigne la sociologie dans des formations pluridisciplinaires et dispense des enseignements aussi bien sur les controverses environnementales et sanitaires que sur la prise en charge par l'action publique des problèmes sociaux et environnementaux, mais aussi sur la méthodologie de recherche en sociologie. J'ai eu la responsabilité d'une UE et du co-encadrement de mémoires d'étudiants.
Matières enseignées : sociologie de l'expertise, sociologie des risques, de l'environnement, sociologie des sciences, méthodologie d'enquête
2024 Chercheuse en contrat post-doctoral, Aix-Marseille Université, Laboratoire population environnement et développement (UMR 151, IRD, AMU)
Depuis 2022 Chercheuse associée au Laboratoire d'économie et de sociologie du travail, LEST (UMR 7317, AMU, CNRS)
Depuis 2023 Qualifiée aux fonctions de Maître de conférence en sociologie (section 19)
2023-2024 Chargée d'enseignements vacataire, UFR Sciences et Département de sociologie
2022 Docteure en sociologie
2022-2023 Attachée temporaire d'enseignement et de recherche (ATER), Département de sociologie, Aix-Marseille Université, Laboratoire d'économie et de sociologie du travail, LEST (UMR 7317, AMU, CNRS), Temps plein
2021-2022 Attachée temporaire d'enseignement et de recherche (ATER), Département de sociologie, Aix-Marseille Université, Laboratoire population environnement et développement, (UMR 151, IRD, AMU), Temps plein
2019-2020 Chargée d'enseignements vacataire, Département de sociologie
2016-2018 Doctorante contractuelle
2015-2016 : Master 2 Recherche « Sociologie des mutations contemporaines » Aix-Marseille Université (Mention TB).
Mémoire de recherche soutenu en juin 2016, intitulé : « Approche gestionnaire des migrations. Lieux d’expertises et carrières d’experts. Le cas du Sénégal ». Jury : Sylvie Bredeloup (Directrice, LPED), Constance de Gourcy (Co-directrice, LAMES), Delphine Mercier (LEST). Note au mémoire : 18/20.
2005-2006 : Master 2 - Recherche Sociologie-Anthropologie « Sociétés contemporaines. Europe - Amériques » - Spécialité « Études latino-américaines » - Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine (IHEAL), Sorbonne Paris III. (Mention Bien).
Mémoire de recherche intitulé : « Les catégories de migrants : représentations, perceptions et interactions autour d’un centre d’hébergement pour migrants à Tijuana ». Jury : Christian Gros (Directeur, IHEAL-CREDAL/Paris III) et Michel Agier (EHESS).
1 ouvrage à paraître (manuscrit de thèse retenu par le jury du Prix Scientifique L'Harmattan)
4 articles dans des revues à comité de lecture
1 chapitre d’ouvrage
1 rapport de recherche
1 working Paper
16 articles sans comité de lecture
17 communications académiques
16 co-coordination de séminaires
1 coordination de panel de congrès
4 programmes de recherche réalisés ou en cours
Internationalisation : terrains de recherche menés dans plusieurs pays (Mexique, États-Unis, Égypte, Sénégal, Maroc, Niger, Espagne, France).
Responsabilités et vie de la recherche
Panels
2024 Co-organisatrice (avec Camille Al Dabaghy, Université Paris 8 - Cresppa-LabTop) du panel « Les consultants au prisme de l’emploi, du marché et de la production » dans le cadre du colloque bisannuel de l’Association euro-africaine pour l’anthropologie du changement social et du Développement (APAD), Liège, 22-24 mai 2024, https://calenda.org/1096519
Ateliers - Journées d’étude
2018 Co-organisatrice des Ateliers Movida des doctorants avec Ndèye Coumba Diouf (UGB - Saint Louis - GERM/IRD) et Agathe Menetrier (Max Planck Institute for Social Anthropology) :
- « Retours sur terrains », campus de Hann IRD-UCAD, Dakar, 31 janvier 2018.
- « Dites-moi en trois minutes ce que vous faites en trois ans », campus de Hann IRD-UCAD, Dakar, 7 mars 2018.
- « Stratégies de publications ». Intervenant : Laurent Vidal, anthropologue, Directeur de recherche et Représentant de l’IRD au Sénégal, campus de Hann IRD-UCAD, 7 mars 2018.
2015 Co-organisatrice de la Journée d’étude Masters-Doctorants inter-laboratoires, « Pour une autre critique sociale en sociologie », invité : Albert Ogien (CNRS, directeur de l’Institut Marcel Mauss, EHESS), sous la direction de Y. Benarrosh, Département de sociologie / LAMES / LPED / LEST, MMSH, 11 décembre 2015.
2015-2019 Co-organisatrice de 11 séminaires Movida, Dakar et Saint Louis (avec Sylvie Bredeloup et Alice Jeannelle), https://movida.hypotheses.org
Membre du comité scientifique
2023 Membre du comité scientifique, Journée scientifique ED 355 (7ème édition) « Le cheminement du chercheur », MMSH, Aix-en-Provence, 15 juin 2023.
Depuis 2021 Fellow Institut Convergences Migrations, Collège de France - Département Policy
Depuis 2015 Membre du Laboratoire Mixte International de Recherche MObilités Voyages Innovations et Dynamiques dans les Afriques méditerranéenne et subsaharienne (MOVIDA), coordination : Sophie Bava (LPED-IRD/AMU) et Harouna Mounkaila (Université Abdou Moumouni-GERMES, Niger).
2017 Doctorante invitée au Sussex Centre for Migration Research, associée au programme de recherche Migrating out of Poverty, Université de Sussex, Brighton, Grande-Bretagne, février-mars 2017.
2013 Membre du Programme Pilote Régional Politiques publiques en Afrique subsaharienne (POLMAF) sur l’axe Politiques publiques et migrations intra-africaines porté par l’IRD, coordination : Sylvie Bredeloup (LPED-IRD/AMU).
2012-2014 Membre du programme AIRD-STDF : Economic crises, migration and development in Egypt (ECOMIG) - La place de l’Égypte dans les circulations migratoires, coordination : Sophie Bava (LPED-IRD/AMU) et Moustapha Kamel Al-Sayyid (Université du Caire).
2005-2006 Membre du programme de recherche : Corps des victimes, espaces du sujet. Réfugiés, sinistrés, clandestins, de l’expérience au témoignage (ASILES) coordination : Michel Agier (EHESS-CEAf), Didier Fassin (Paris 13, CRESP) et Jérôme Valluy (Paris 1, CRPS).
Review
Évaluatrice anonyme d’articles pour la Revue Européenne des Migrations Internationales – REMi
Thèse de doctorat de sociologie soutenue le 15 décembre 2022, intitulée :
« Monde de l’expertise sur les migrations et carrières d’experts au Sénégal ».
Membres du jury :
Sandrine REVET, Anthropologue, Directrice de recherche, HDR, Sciences Po-CERI (rapportrice)
Antoine PÉCOUD, Sociologue, Professeur des Universités, HDR, Université Paris 13, (rapporteur)
Mamadou DIMÉ, Sociologue, MCF, HDR, UGB - Saint-Louis, Sénégal, (examinateur)
Delphine MERCIER, Sociologue, Directrice de recherche, HDR, CNRS-LEST, (présidente du jury)
Sylvie BREDELOUP, Socio-anthropologue, Directrice de recherche, HDR, IRD-LPED, (directrice)
Sophie BAVA, Socio-anthropologue, Chargée de recherche, IRD-LPED, (co-directrice)
Monde de l’expertise en migration et carrières d’experts au Sénégal
Les parcours des experts africains sont au cœur de cette thèse. Étudier la sédimentation d’un monde de l’expertise sur les migrations au Sénégal m’a paru constituer un objet d’analyse fécond, à l’heure de la globalisation des cultures. J’ai centré mon attention sur des élites nationales issues d’horizons divers dans la perspective d’éclairer leurs carrières, leurs interactions constantes avec les organisations internationales et de mieux comprendre leurs façons de penser le fait migratoire.
C’est le temps long de l’enquête à Dakar, avec ses effets inattendus, qui m’a permis d’éclairer sous un autre jour ce que l’on ne perçoit pas d’emblée. En effet, les entretiens biographiques, les observations réalisés à l’occasion de différents moments de socialisation au Sénégal, comme au Maroc et au Niger, ont permis de documenter des scènes officielles (le « texte public ») de ce petit monde des migrations, mais aussi, d’accéder aux discours qui se disent et se pensent « en coulisse », tout autant que de décrypter les ruses et les tactiques déployées par les experts pour tenir leur rang sur cette scène (Scott, 1992).
Au-delà des singularités, l’observation empirique, à travers la multiplication des points de vue recueillis, montre une pluralité de facettes des carrières d’experts. Au fil de l’enquête, tout au long de leurs trajectoires complexes, je montre que ce petit monde est socialement hétérogène et masculin et traversé tant par la précarité que par la concurrence. Je me suis intéressée davantage aux experts qu’aux « situations d’expertise » (Trépos, 1996), ce qui m’a conduit tout d’abord à déconstruire ces deux objets « expert » et « expertise », afin de montrer que ces notions floues font en permanence l’objet de glissements de sens de l’une à l’autre.
La transformation du cadre de penser des politiques migratoires avec de nouveaux registres de causalité
L’un des éléments que permet de mettre en avant cette thèse concerne les préceptes voire les injonctions qui contribuent à guider les commandes d’expertise. Je montre que ces vingt dernières années, dans le contexte euro-africain, deux orientations prédominent en matière de politiques migratoires. Présageant des façons d’agir des individus, les principaux protagonistes de ces politiques et programmes visent à empêcher les départs en migration (vers l’Europe) et à inciter les retours d’Europe des migrants africains déjà partis. Ces injonctions se fondent sur des présupposés et notamment sur des liens hasardeux de causalité établis présumant que le retour des uns conduirait nécessairement d’autres à renoncer au voyage. Sous couvert de « bonne gouvernance des migrations » et de « gestion intégrée des frontières » sont ainsi mis à distance les conséquences du verrouillage des possibilités de migrations légales, la violence des rapports sociaux, mais aussi les rapports entre classes sociales et les vecteurs d’inégalité liés à la répartition des ressources et des revenus.
Quand la migration devient une ressource pour les experts et leurs commanditaires
Dans le prolongement des mondes du développement et de l’humanitaire, au sein de ce monde de l’expertise, se consolide un marché de l’entrave à la migration. Je montre comment, au Sénégal, au cœur de ce marché, l’OIM joue un rôle central. Ces dernières années, ses interventions standardisées se sont intensifiées : elles ont été déclinées en « projets » de « retours et réintégration » des migrants, en campagnes de dissuasion aux départs, mais aussi dans la construction de postes-frontières ou dans l’accompagnement à l’élaboration de « profils » et de « politiques » migratoires. Par cette démultiplication d’activités et de conseils, les agents de l’OIM, pris dans des contorsions contradictoires entre discours et pratiques, contribuent aux yeux de leurs interlocuteurs sénégalais, à brouiller la lisibilité de leur action, à s’interroger sur leur vocation. En tant que principal commanditaire de missions d’expertise, l’organisation internationale pour les migrations (OIM) contribue à la structuration et à la professionnalisation de ce marché. Pour diffuser à l’ère postcoloniale, de manière plus efficace et à moindre coût, ses outils standardisés, l’agence recourt de plus en plus à des experts africains. Des ministères, en passant par les services de la police aux frontières et les centres culturels dakarois, l’OIM infiltre la société sénégalaise (Cabane & Tantchou, 2016). Et pour enrichir son vivier d’experts nationaux, l’agence se tourne vers le monde académique sénégalais.
Quand les réformes de l’université favorisent l’essor de l’expertise
Ainsi, pour mieux décrypter les mécanismes qui conduisent les universitaires à prendre la casquette d’expert, j’ai fait un pas de côté en resituant plus largement leurs parcours à l’aune de l’histoire des sciences sociales au Sénégal et de ses rebondissements. En réaction au retrait de l’État dans le financement de l’enseignement supérieur et aux restrictions en matière de recrutement dans les universités et dans la fonction publique sénégalaise, en réaction à la fermeture du département de sociologie de l’université Cheikh Anta Diop pendant trente ans, et aux multiples frustrations enseignantes, nombre d’universitaires se tournent vers l’expertise. Dans ce cadre, des savoirs prescriptifs, sur ce qu’il convient de faire en matière de politiques migratoires, commencent à irriguer l’université. Je rappelle que ces analyses ont aussi une portée plus large, faisant écho à des mécanismes qui ne sont pas propres à des mondes africains.
Un petit monde
Un autre point saillant que met en avant cette thèse porte sur l’évolution des carrières des experts. Enseignants-chercheurs, chercheurs, consultants à temps plein, responsables de think tank, responsables associatifs, retraités experts ; d’une casquette à l’autre, chacun accède à de nouvelles compétences et développe de nouvelles logiques professionnelles pour se faire une place au sein de ce petit monde de l’expertise sur les migrations. À l’initiative de l’OIM, ils se retrouvent autour d’une même table pour écrire ensemble une nouvelle page de la politique migratoire pour le Sénégal, selon un canevas précis. Ces élites africaines profitent de ces ateliers, consultations, et autres conférences internationales et sommets inter-gouvernementaux pour tisser des liens, étoffer leur carnet d’adresses et ensuite les réactiver au gré des opportunités, au fil des besoins. Ainsi, ces élites africaines circulent au service de commanditaires à l’intérieur du pays ou du continent sans pour autant que de nouvelles idées circulent sur la manière de penser autrement les migrations. L’expertise en migration représente une ressource qui permet de se distinguer. En plus de leurs titres et diplômes acquis à l’étranger, l’accumulation d’un capital international de compétences et de relations représente un atout non négligeable permettant à ces membres de la diaspora africaine de négocier un retour prestigieux dans un contexte national de concurrence exacerbée (Dezalay & Garth, 2002 ; Wagner & Réau, 2015). Au sein de cette communauté de pratiques composée d’individus pluriels qui se connaissent et se reconnaissent, des temporalités instables, des rapports de pouvoir, des hiérarchies et des dominations statutaires, des désenchantements et des changements de cap rythment leurs carrières. J’ai souhaité recourir à la notion de monde pour mieux documenter leurs pratiques et leurs parcours (Revet, 2018). Or, ce petit monde de l’expertise sur les migrations est in fine un monde d’individus où peu d’alliances se tissent, à moins d’être conjoncturelles, ce qui contribue à faire le jeu des commanditaires d’expertise, n’hésitant pas à les mettre en concurrence lors des recrutements.
La domination et la résistance dans une situation postcoloniale
L’analyse du processus d’élaboration de ladite politique migratoire au Sénégal a permis de montrer que cette intervention, initiée par des agents de l’OIM à la rhétorique techniciste et apolitique déjà bien rodée, cherchant par la production d’un consensus à déjouer la contestation, ne s’est toutefois pas réalisée sans tension. Ce processus avait pour ambition de légitimer de nouveaux projets en vue de renforcer les contrôles aux frontières du Sénégal. Pourtant en dépit d’une validation technique de ce processus, en 2018, le texte de la « nouvelle » politique migratoire dort toujours en 2022 dans un tiroir, sans avoir été validé politiquement par l’État sénégalais. Ainsi, plutôt que de résister activement et publiquement, des experts, à la suite des autorités sénégalaises, ont opté pour un pseudo-dialogue, sans avoir l’intention de se soumettre aux desiderata de l’Union européenne (Randeria, 2007). C’est par l’inertie que les autorités sénégalaises sauvent la face, c’est par l’inertie que les experts alimentent leur carrière.
Ainsi, dans un double jeu, synonyme d’un sens pratique qui permet de tirer profit du marché de la migration, les experts combinent différents registres et accumulent les expériences et enrichissent leurs compétences. Pris dans des relations de dépendance vis-à-vis de leurs commanditaires, ils acceptent, dans certaines circonstances d’adopter des postures de soumission. La plupart du temps, ils s’inscrivent dans un registre diplomatique, faisant preuve de prudence et de courtoisie. Quand ils sont sérieusement offensés, ils recourent au masla , « cette pudeur, cette ronde délicatesse par lesquelles les rudes vérités ne se disent pas, mais se dissimulent au nom du salut de l’honneur public » (Sarr, 2021 : 209). Ainsi, les choses ne sont pas exactement ce qu’elles semblent être. Les experts opèrent à dessein des résistances discrètes. S’ils n’avancent pas officiellement et ouvertement leurs opinions, c’est hors champ, au détour d’une pause-café, ou à l’occasion d’un entretien réalisé quelques jours plus tard, ou au moment où prend fin le processus d’évaluation, qu’ils s’expriment alors plus librement. Non seulement ils formulent alors des critiques sur le caractère pseudo-participatif du processus, mais remettent en question la lecture à la fois gestionnaire, sécuritaire et européenne-centrée des migrations africaines. Et certains de rappeler que les circulations intra-africaines ont été écartées, évacuées des débats alors qu’il y avait urgence à réactualiser des conventions, des accords de travail régionaux et d’interagir davantage avec les parlementaires de la Cedeao.
En réponse à la persistance des inégalités notamment financières vis-à-vis de leurs homologues européens que les experts expérimentent, et aux logiques infantilisantes dans lesquelles les commanditaires s’emploient à les plonger, je montre dans cette thèse que le silence, mais aussi l’évitement, l’inertie, la provocation et le cynisme sont autant de postures adoptées tour à tour qui relèvent des arts de la résistance. À travers ces tactiques, d’autres manières d’émettre des critiques sont à l’œuvre.
En revanche, si cette population d’experts est hétérogène, c’est aussi parce qu’elle ne partage pas nécessairement les mêmes postures idéologiques sur les questions migratoires. Les uns entrevoient la souveraineté nationale menacée dès lors où une organisation internationale finance en totalité la mise en place d’une politique nationale et en la présentant de surcroît comme « nouvelle ». Les mêmes ou d’autres demeurent attachés à la libre circulation des populations et critiquent toutes les mesures permettant aux seules élites de continuer à circuler. D’autres, à l’inverse, adoptent des postures et des discours protectionnistes, considérant que les populations africaines les plus fragiles et les moins dotées en capital social et culturel n’ont rien à gagner à devenir les subalternes des Européens en émigrant et risquent par ces comportements à renouer avec l’époque esclavagiste.
En repartant de mes propres a priori, notamment celui selon lequel les élites africaines considéreraient la libre circulation de leurs compatriotes comme un droit inaliénable et par rebonds mettraient en doute la nécessité d’entraver les migrations, mon analyse dévoile que leur jeu est autrement plus subtil, et renvoie à la posture du dominé dans laquelle ils se retrouvent face à leurs commanditaires. Dans un jeu de dupes, certains experts acceptent la partie, ayant conscience que les interventions standardisées auxquelles ils participent ont peu de chances de trouver des débouchés concrets, mais leur permettent néanmoins de mieux gagner leur vie. Ces arts de la résistance relèvent d’une attitude politique.
Le manuscrit de thèse a été classé par le jury du Prix scientifique de L’Harmattan. Ouvrage à paraître (édition prise en charge par l’éditeur).