Migrations de spécialistes religieux et fabrique transnationale de la compétence

Acronyme MISTIC
Le LPED coordonne le projet ? Non
IMG_20230309_164128.jpg
Présentation du projet Le projet est issu de l’axe « Migrations et religieux » du département POLICY de l’IC Migrations. Nous questionnons les relations entre migration et religion en nous concentrant sur des acteurs religieux et sur leurs parcours, tant migratoires que professionnels. Le travail porte sur des religions et des terrains d’étude divers afin de développer une approche comparative de la construction de la compétence religieuse dans et par la mobilité.

Ce projet propose d’étudier conjointement le rôle des mobilités dans le déploiement transnational des religions, et celui des dynamiques religieuses dans les processus migratoires et la constitution de réseaux transnationaux. Il interroge plus précisément les relations entre les mobilités transnationales de spécialistes religieux de différentes religions (christianisme, judaïsme, islam, hindouisme, bouddhisme, sikhisme, bahaïsme), et la fabrique de leurs compétence et autorité religieuses. Si les spécialistes religieux sont au cœur de nos préoccupations, la « route » pourra également constituer une entrée privilégiée afin d’interroger les itinéraires religieux qui peuvent se construire et se recomposer dans la mobilité (Bava et Picard 2014 ; Picard 2016 ; Bava 2017).

Venant compléter les recherches centrées sur la fabrique des autorités religieuses au sein des trois religions du Livre autour de la Méditerranée[1], ce projet propose un regard élargi à d’autres confessions et à une plus grande diversité de terrains (Europe, Asie, Afrique, Proche-Orient, Amérique du Nord). Inspiré par le renouveau des travaux sur le fait religieux en migration et « en mouvement » (Hervieu-Léger 2001 ; Levitt 2003 ; Meintel et Le Blanc 2003 ; Bava et Capone 2010 ; Chanson et al. 2014 ; Droz 2016 ; Trouillet et Lasseur 2016), nous cherchons à comprendre plus spécifiquement comment la compétence rituelle et religieuse se construit, ou s’acquiert, dans la mobilité. Nous nous intéressons à des acteurs religieux que nous qualifions de « spécialistes » afin d’y inclure des processus de formation et de construction de la compétence religieuse à la fois institutionnalisés et informels, parfois discrets, individuels, et n’étant pas nécessairement liés à l’expression d’un pouvoir. En effet, les spécialistes rituels recrutés dans le pays d’origine par des communautés émigrées n’exercent pas toujours d’autorité dans le pays d’accueil (Mohammad-Arif 2004 ; Claveyrolas 2014 ; Trouillet 2020 et 2021) et la compétence religieuse peut parfois être acquise en migration sans pour autant avoir été envisagée au moment du départ (Bava et Picard 2014 ; Picard 2016). C’est pourquoi, en croisant parcours migratoires et itinéraires religieux, nous nous intéressons autant à la fabrique de la compétence qu’à celle de l’autorité religieuses dans la migration et la mobilité.

Trois profils types de spécialistes mobiles retiendront notre attention : ceux qui sont invités ou recrutés dans leurs pays d’origine par une diaspora en raison de leur compétence religieuse ; ceux s’étant découvert une vocation de spécialiste religieux au cours de leur migration ; et les étudiants, enseignants et spécialistes religieux qui partent à l’étranger pour se former.

Le projet explore les trois hypothèses suivantes :

– les expériences migratoires occupent une place particulière dans la construction de la compétence, du charisme, de l’autorité et dans les recompositions identitaires des spécialistes religieux ;

– certains parcours migratoires méritent d’être interrogés au prisme de processus de formation ou de découverte de vocations religieuses (avant l’obtention du statut éventuel de « spécialiste »),

– enfin, les mobilités et les pratiques de ces différents acteurs participent à la transnationalisation ainsi qu’à l’hybridation des savoirs religieux, des pratiques, des croyances et des contenus de formation.

Si différents travaux ont montré que les circulations des spécialistes rituels sont essentielles au développement transnational des religions (Mary 2003 ; Mohammad-Arif 2004 ; Fancello 2006 ; Claveyrolas 2014 ; Bava 2017 ; Trouillet 2020), les interrelations entre leurs parcours migratoires et de formation, la complexité de leurs relations à la société d’accueil, ainsi que l’impact des circulations de ces spécialistes sur la recomposition des savoirs et des contenus des formations religieuses méritent d’être explorés plus spécifiquement, en particulier selon une démarche comparative.

Axe 1 : Les parcours migratoires et de formation des spécialistes religieux

Un premier axe porte sur les parcours migratoires, professionnels et de formation des spécialistes religieux qui officient à l’extérieur de leur pays d’origine (auprès de leur communauté d’origine mais aussi parfois auprès de publics « élargis », internationaux et interdénominationnels). Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure les expériences migratoires ont une influence sur la reconnaissance de certaines compétences et sur la construction du charisme religieux. Quelles compétences liées à leurs migrations ces spécialistes mobilisent-ils dans leurs parcours religieux et quelles compétences religieuses sont mobilisées pour accompagner ou légitimer leur migration ? Quels sont les projets et les expériences migratoires de ces spécialistes rituels mobiles ? Comment devient-on un acteur religieux investi et quels sont les enjeux liés à la découverte d’une vocation en migration ? Quels sont les éventuels moments de bifurcation dans leurs trajectoires migratoires ou dans leur carrière religieuse ? Il s’agit également de comprendre la nature des espaces relationnels définis par les mobilités de ces acteurs religieux, entre « champs sociaux transnationaux » (Basch et al. 1994) et « territoires circulatoires » (Tarrius 2000). Quels sont alors les acteurs intermédiaires et les lieux de passage-clés pour chaque religion étudiée ? Quels sont les espaces (y compris immatériels) de la formation ou de l’acquisition des compétences et comment sont-ils recomposés ?

Axe 2 : Les spécialistes religieux « mobiles » et la société

Le deuxième axe étudie les relations qu’entretiennent les spécialistes religieux mobiles avec l’environnement social de leur lieu d’exercice : la société du pays d’accueil ou de passage, les institutions (religieuses mais aussi politiques des pays d’accueil et d’origine), les autres communautés religieuses et les générations plus anciennes de coreligionnaires. On s’interroge ainsi sur le rôle de ces spécialistes tant dans la vie des personnes en migration (notamment en matière d’assistance et d’action sociale auprès de migrants ou réfugiés, coreligionnaires ou non) que dans la transnationalisation de leur religion, entre projets (néo)missionnaires et transnationalisation « par le bas ». Il convient aussi de s’intéresser aux législations mises en place par les pays hôtes pour accueillir ces acteurs religieux (types de visas et de contrats de travail), ainsi qu’aux modalités d’intervention de l’État dans les formations religieuses. Les relations entre les spécialistes rituels recrutés dans le pays d’origine et les nouvelles formes d’autorité religieuse qui émergent au sein des deuxième et troisième générations des diasporas, sont également prises en compte.

Axe 3 : Circulations et recompositions des savoirs et des pratiques

Cet axe traite des pratiques, croyances, savoirs et contenus de formation qui circulent grâce aux acteurs religieux. Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure les circulations transnationales des spécialistes religieux et de leurs savoirs(-faire) ont un impact sur l’organisation, les contenus et les supports (matériels ou dématérialisés) des formations religieuses. La formation peut être organisée par des réseaux religieux transnationaux conduisant à des déplacements et des circuits de formation dans la mobilité, mais aussi par les pays d’accueil qui jugent nécessaire de prendre en main le paysage de la formation religieuse. Elle peut également être fabriquée de toute pièce « par le bas » par les migrants dans leur rencontre avec leur vocation. Comment la formation des spécialistes religieux s’adapte-t-elle alors aux contextes locaux et à l’influence des réseaux diasporiques et migratoires, ainsi qu’aux aspirations grandissantes à la mobilité internationale des jeunes en formation, comme des spécialistes religieux en quête de notoriété ? Nous interrogerons les évolutions des contenus et supports des formations, leurs recompositions mais aussi leurs hybridations éventuelles pouvant faire émerger des références professionnelles, religieuses, culturelles, linguistiques et identitaires, à la fois « de là-bas », « d’ici » et « d’ailleurs ». Les références théologiques mobilisées par les spécialistes religieux étudiés sont ainsi interrogées sous leurs déclinaisons traditionnelles, récentes, mobiles, réappropriées ou réadaptées au contexte d’accueil.

.
Membres du LPED associés à ce projet
Axes de recherche associés à ce projet
Financement
  • Autre
État du projet En cours
A archiver Non